Dans les livres et les formations de parentalité positive, la notion de « besoins fondamentaux des enfants » est souvent mise en avant. La connaissance et la prise en compte de ces besoins, ainsi que leur évolution avec l’âge des enfants, font classiquement partie de la démarche proposée pour les parents.
Le nombre et la désignation exacte de ces besoins peuvent varier selon les auteurs. Ceux qui m’ont paru être fréquemment cités incluent les besoins physiologiques, émotionnels et intellectuels, le besoin d’attachement, le besoin de sécurité, le besoin d’autonomie, le besoin d’explorer, le besoin d’appartenance, etc. [1] Et souvent, ces besoins sont un des éléments de base quand les parents s’appuient sur la pratique de la Communication non violente (CNV).
Dans cet article, je vous propose de considérer un autre besoin fondamental pour les enfants, qui me semble trop peu mis en avant aujourd’hui : un environnement favorisant la santé.
Cet article a été rédigé par Guillaume du blog Santé des enfants et environnement.
La santé environnementale
L’environnement est un déterminant majeur de la santé [2]. La santé environnementale est le domaine scientifique qui étudie les aspects de la santé qui peuvent être influencés par la qualité de l’environnement. Par exemple : l’air qu’on respire, l’eau qu’on boit, les aliments qu’on mange, les matières qui se retrouvent au contact de la peau, etc.
D’après la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’environnement peut être considéré dans un sens très large. « La santé environnementale comprend les aspects de la santé humaine, y compris la qualité de la vie, qui sont déterminés par les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psychosociaux et esthétiques de notre environnement. » (Conférence d’Helsinki – 1994).
Dans les études existantes, le plus souvent, la santé environnementale désigne l’influence d’un environnement dégradé, et notamment l’impact sanitaire liés aux polluants. Cet impact constitue un fort enjeu de santé publique [3]. Par exemple :
- Selon un rapport de l’Agence européenne de l’environnement (AEE) daté de 2022 [4], « l’exposition à la pollution provoque 10 % des cas de cancer en Europe ».
- Selon l’Agence sanitaire française (Anses), concernant la pollution de l’air intérieure, en ne retenant que six substances parmi la « multitude de polluants dans l’air intérieur », l’impact annuel attribuable est estimé à environ 20 000 décès et 30 000 pathologies : cancers, AVC, maladies cardiovasculaires, etc. [5]
En particulier, la santé environnementale se positionne au carrefour entre prévention primaire et écologie. Elle se trouve donc au cœur de la fameuse logique « Une seule santé » (One Health) notamment portée par l’OMS : la santé humaine est étroitement liée à la santé des écosystèmes.
Les enfants : une population très sensible
L’environnement a une grande influence sur la santé, d’une manière générale, et plus particulièrement pour les populations les plus sensibles. Ces populations incluent les enfants, pour plusieurs raisons. Par exemple :
- A poids égal, les enfants respirent plus, boivent plus, mangent plus que les adultes. Par conséquent, leurs expositions aux polluants environnementaux sont plus fortes [6].
- Au sein de leur corps en construction, les systèmes de détoxification sont encore immatures. Par conséquent, la neutralisation et l’élimination des polluants s’avèrent plus lentes et moins efficaces [7].
- Le développement de leur corps repose sur des procédés facilement perturbables. Pendant certaines périodes critiques, appelées « fenêtres de vulnérabilité » [8,9], de faibles expositions à des polluants peuvent donc conduire à des effets graves et pérennes, pour l’enfant ou pour l’adulte qu’il deviendra. Cette notion de fenêtres de vulnérabilité est au cœur du concept des « 1000 premiers jours », popularisé en France par la commission du même nom [10], comprenant Boris Cyrulnik et Isabelle Filliozat.
En particulier, la vie fœtale présente plusieurs fenêtres de vulnérabilité de grande importance. On parle d’Origine développementale de la santé et des maladies, ou « DOHaD », l’acronyme de l’anglais de Developmental Origins of Health and Disease.
A mon sens, l’idée importante à retenir ici, c’est que « les enfants ne sont pas de petits adultes », c’est-à-dire des « adultes en plus fragiles ». L’écart est bien plus grand. Les enfants ont dont besoin d’un haut niveau de protection contre les pollutions, avec notamment des mesures spécifiques.
Entourons les enfants d’un environnement favorisant la santé !
Pour réduire les expositions des enfants aux polluants du quotidien, les parents peuvent s’appuyer sur des bonnes pratiques reconnues en santé environnementale. Voici quelques premiers exemples :
- Aérer les pièces de la maison régulièrement, pendant au moins 10 minutes par jour.
- Utiliser un aspirateur équipé d’un filtre « HEPA » (haute efficacité), car de nombreux polluants se fixent sur les poussières domestiques.
- Choisir des lieux de vie (habitation, crèche, halte-garderie, etc.) à distance des axes à fort trafic routier.
- Repérer les peintures contenant du plomb (cf. diagnostics du logement) et surveiller leur état de conservation. En cas de revêtement dégradé, réaliser les travaux adaptés, en utilisant des techniques produisant un minimum de poussières.
- En faisant les courses, privilégier les produits présentant des labels écologiques reconnus. La plupart d’entre eux demande une absence ou une faible teneur en substances préoccupantes. Les parents peuvent notamment s’appuyer sur le recensement et l’analyse de l’ADEME [11].
- Éviter d’acheter des jouets contenant du PVC.
- Préférer les biberons en verre.
- Privilégier les poissons se trouvant au bas de la chaîne alimentaire aquatique. Par exemple : anchois, maquereaux, sardines, etc. Ces poissons présentent de plus faibles concentrations en mercure.
- Nettoyer la maison avec des produits simples et dont la composition ne fait pas débat. Par exemple : vinaigre blanc, bicarbonate de soude…
- Choisir des peintures et des revêtements étiquetés A+. Cet étiquetage correspond à de plus faibles émissions en polluants volatils.
- Éviter l’utilisation de désodorisants d’intérieur en présence d’enfants, surtout lorsque ces désodorisants se basent sur une combustion. Par exemple : encens, bougies parfumées, etc.
Ces bonnes pratiques permettent de diminuer les expositions préoccupantes pour les enfants. En complément, il me semble très important de ne pas réduire « l’environnement » à une potentielle source de dangers. Un environnement naturel de qualité peut apporter beaucoup à nos enfants, notamment du point de vue de la santé, aussi bien physique que mentale.
En particulier, des environnements naturels « verts et bleus », incluant de la végétation et des eaux de surface, ont été associés à de nombreux bienfaits pour la santé des enfants. Par exemple, selon l’AEE, « l’exposition aux espaces verts à l’école et autour de la maison favorise un développement physique, émotionnel et cognitif sain chez les enfants, garantissant des avantages pour la santé de leur vie future » [12].
Plusieurs auteurs considèrent le contact avec la nature comme un besoin fondamental des enfants [13–15]. Certains parlent de « biophilie », soit littéralement « l’amour de la nature » [16]. Dans une logique évolutionniste, ces observations peuvent être comprises comme un héritage de nos lointains ancêtres [17,18], qui ont évolué dans les environnements naturels des périodes préhistoriques, pendant des millions d’années.
Pour mieux connaître les bonnes pratiques de santé environnementale
Si ce thème des environnements favorisant la santé vous intéresse, alors je vous invite à me retrouver sur le blog Santé des enfants et environnement. J’y partage des conseils et des astuces pour aider les parents à entourer les enfants d’environnements plus sains, avec moins de pollutions et plus de nature. Vous pouvez également suivre mon travail sous la forme de podcasts et de vidéos.
A bientôt !
Guillaume
Bibliographie – références
- Santé publique France (SpF). La Santé en action – n°447 – Les besoins fondamentaux des enfants. 2019.
- Ministère chargé de l’Écologie, Ministère chargé de la Santé. Quatrième Plan national santé-environnement (PNSE4). Un environnement, une santé. 2021.
- Dab W. Santé et environnement. Que sais-je ? n°3771. 2020.
- Agence Européenne Environnement (AEE). L’exposition à la pollution provoque 10 % des cas de cancer en Europe. Web report “Beating cancer — the role of Europe’s environment.” 2022.
- Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Étude exploratoire du coût socio-économique des polluants de l’air intérieur. 2014.
- American Academy of Pediatrics (AAP). Pediatric Environmental Health. Library of Congress, 2012.
- Landrigan PJ, Landrigan MM. Children and Environmental Toxins: What Everyone Needs to Know. Oxford University Press, 2018.
- Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). La santé des enfants et l’environnement numéro thématique – volume 18 numéros 3. 2007.
- Barouki R, Gluckman PD, Grandjean P, et al. Developmental origins of non-communicable disease: Implications for research and public health. Environmental Health 2012 ; 11 : 42.
- Ministère chargé de la Santé, Commission des 1000 premiers jours. Les 1000 premiers jours. Là où tout commence. 2020.
- Agence de la transition écologique (ADEME). Labels Environnementaux. Consommer responsable ! Oui, mais comment ? 2019.
- Agence Européenne Environnement (AEE). Healthy environment, healthy lives: how the environment influences health and well-being in Europe. 2020.
- Louv R. Une enfance en liberté. Éditions Leduc, 2021.
- Sampson SD. Comment élever un enfant sauvage en ville. Éditions des Arènes, 2016.
- Espinassous L. Besoin de nature. Editions Hesse, 2014.
- Wilson EO. Biophilia. Harvard University Press, 1984.
- Perino L. Pour une médecine évolutionniste. Une nouvelle vision de la santé. Le Seuil, 2017.
- Raymond M, Thomas F. Santé, médecine et sciences de l’évolution : une introduction. De Boeck Supérieur, 2013.