Le principe du système scolaire classique est d’adapter les enfants à un système pré-établi. Il suffit de faire un petit tour sur le web pour se rendre compte que de plus en plus de parents scolarisent leurs enfants dans des écoles aux méthodes alternatives (Pédagogie Montessori par exemple). Bien souvent dans ces pédagogies, c’est le système qui s’adapte au rythme d’évolution de l’enfant. Même si le nombre d’écoles Montessori s’accroît de plus en plus, il reste difficile d’en trouver une près de chez soi. Il est également difficile de pouvoir payer une école Montessori à ses enfants car, bien souvent, les écoles Montessori ne reçoivent aucune aide publique. Certains parents font alors le choix de pratiquer l’ instruction en famille (IEF). C’est ce que nous avons voulu vous présenter aujourd’hui.
C’est quoi l’instruction en famille ?
L’instruction en famille, comme l’évoque le nom, est le fait d’apprendre dans le cadre familiale. Pour faire simple, c’est faire l’école à la maison. Les enfants ne sont donc pas scolarisés et les parents instruisent leurs enfants selon leur propre rythme.
Nous sommes très sensible à l’instruction en famille, et c’est le choix que nous avons fait pour Arthur, Gaspard et Constance.
L’instruction en famille par Eve Herrmann
L’instruction en famille est un sujet qui nous intéresse énormément. C’est pourquoi, nous avons demandé à l’auteur Eve Herrmann de nous livrer son regard sur l’instruction en famille. Vous connaissez déjà peut-être Eve Herrmann, ou du moins l’un de ses livres, puisqu’elle est l’auteur de plusieurs ouvrages traitant de la pédagogie Montessori.
Vous retrouverez la bibliographie de Eve Herrmann en bas de l’article |
Eve Herrmann est la maman de 2 fillettes, Liv et Emy. Elle est également la fondatrice du Nido Montessori d’Angers. A travers son blog, Liv et Emy’s Diary, vous pouvez suivre le formidable quotidien d’une famille heureuse et épanouie pratiquant l’instruction en famille.
Nous laissons donc la parole à Eve, afin qu’elle nous explique sa démarche, son cheminement et les bienfaits déjà observés.
Bonjour Eve, et merci d’avoir pris le temps de nous expliquer votre démarche. Quel âges ont vos filles, et quel a été leur parcours scolaire jusqu’à cette rentrée ?
Liv a 7 ans et Émy va avoir 5 ans très bientôt. Elles ont commencé toutes les deux leur scolarité dans une école Montessori (Angers), petite école en démarrage avec peu d’enfants. Puis après notre déménagement, faute de trouver mieux, nous avons testé l’école classique (une petite école privée avec seulement 6 classes de la Petite Section au CM2 et la Classe pour L’Inclusion Scolaire).
Quel était leur sensibilité par rapport à l’école, par rapport au système d’évaluation ?
Elles n’ont donc passé qu’un an dans le système classique.
Émy s’attendait à continuer d’apprendre à lire et écrire, elle a été très déçue. Au départ, elle revenait de l’école en me disant « C’est nul on n’apprend rien« . Puis peu à peu elle s’est conformée à l’attente de l’école. Elle n’avait pas spécialement envie d’y aller, mais elle était contente de voir ses copines. Dans sa tête ce n’était pas l’école qui allait lui apprendre à lire. Car lorsque nous avons commencé à la maison, elle m’a dit : Maintenant, je vais pouvoir apprendre à lire ! En moyenne section, Émy n’avait pas de système d’évaluation. Il y avait parfois des bonhommes contents sur ses feuilles, mais elle n’y a pas prêté attention et nous non plus d’ailleurs.
Liv aussi a été déçue de l’école par rapport aux attentes qu’elle avait. Elle s’est plaint de ne faire que des maths et du français à longueur de journée. Elle a démarré le CP sachant déjà lire et écrire fluidement, hors l’année de CP est principalement axée sur la lecture et l’écriture. Alors elle a perfectionné son écriture au point de devenir hyper maniaque ! Encore maintenant, elle en pleure parfois quand ce n’est pas parfait comme elle veut, mais ça va déjà beaucoup mieux.
Je pense que Liv aussi, comme Émy s’est adaptée à ce que l’école attendait d’elle : être bonne élève, sage, qui écoute et n’est pas dissipée. Elle a vite compris le système d’évaluation et a fait en sorte de n’avoir de que des TB. C’est ce qu’elle m’a dit : « Tu vois maman, moi je n’ai que des TB ». Elle n’aurait pas voulu être en dessous ! Heureusement pour elle, elle n’a pas eu de difficultés avec le travail demandé. Ce qui lui a plu à l’école ce sont les copines, même si c’est encore difficile pour elle d’être en grande collectivité.
Je crois qu’elles n’étaient pas malheureuses à l’école, mais que le terrain n’était tout de même pas propice à leur épanouissement. Devoir se conformer sans cesse aux attentes des autres ne peut pas être bon pour un réel épanouissement de toutes nos potentialités.
Pourquoi avoir fait le choix de l’instruction en famille ?
Nous avons fait le choix de l’instruction en famille après avoir constaté que le système classique ne nous convenait pas (par manque de respect du rythme propre de l’enfant, de ses envies d’apprentissages, à cause de tous les rythmes et temps imposés). Tout cela n’a rien de naturel et ne part pas de l’enfant et de ses besoins.
Nous avons cherché du côté des écoles alternatives, mais en plus de leur tarif trop élevé, nous n’y avons pas trouvé l’étincelle qui nous aurait vraiment donné envie d’y mettre nos filles (quitte à payer et travailler plus).
Nous voulons que nos enfants continuent d’apprendre de manière naturelle, comme le fait le petit enfant avant d’aller à l’école. Personne ne lui apprend à parler, il le fait tout seul, pourtant ce n’est pas simple ! C’est en absorbant le langage entendu autour de lui qu’il construit le mécanisme du langage.
L’enfant doit pouvoir continuer à apprendre selon son propre plan de développement, selon ses intérêts, mû par sa curiosité naturelle. Tout cela, l’école le laisse de côté et l’enfant doit suivre un programme produit par un adulte qui juge qu’il doit apprendre telle ou telle chose à ce moment-là, d’une manière particulière et dans un temps déterminé. Où est la volonté de l’enfant là-dedans ? Elle est piétinée et voilà comment son envie d’apprendre s’envole. Car en plus de cela, il est jugé, contrôlé, noté, comparé…
Ce n’est pas ce que nous voulons pour nos filles, ni ce que nous souhaitons pour aucun des enfants de cette planète…
Comment a été menée cette réflexion au sein de votre famille ?
Comme je le disais, avant d’arriver à ce choix, nous avons cherché du côté des pédagogies alternatives. Les filles ayant commencé leur scolarité dans une école Montessori, nous aurions bien continué dans cette voie. Malheureusement à Lyon, nous ne pouvions pas nous permettre de payer les frais de scolarisés pour 2 enfants à l’école Montessori.
Ce prix exorbitant nous a fait réfléchir. Quel intérêt de travailler plus pour payer cette école, alors que nous pourrions travailler moins et passer plus de temps avec nos enfants !
Et au final, nous ne sommes pas beaucoup plus pauvres ! Bien au contraire, notre vie gagne une richesse qui n’est pas quantifiable !
Petit à petit, une fois l’idée née dans nos esprits, elle a pris sa place, a grandi et s’est imposée. Nous ne pouvions plus reculer !
Depuis combien de temps envisagiez vous l’instruction en famille ?
Il y a un an, je n’aurais pas envisagé l’instruction en famille. Ou en tout cas, pas au point de me lancer. Nous y avions pensé, mais sans oser vraiment se lancer.
J’avais en tête l’idée que je ne pourrais plus mener mes projets, ou continuer mon travail, que passer autant de temps avec les filles allait être compliqué… Puis petit à petit l’idée s’est imposée à nous comme une évidence, et c’est finalement grâce à notre année dans le système scolaire classique que nous sommes arrivés au bout de notre réflexion !
Cela nous a poussé à agir, à accorder nos pensées et nos actes.
Ce choix est donc arrivé vite, mais il s’est imposé avec une telle force qu’une fois l’idée visualisée, nous ne pouvions plus revenir en arrière et nous retourner vers une solution de replis, moins satisfaisante et épanouissante.
D’un côté pratique, comment cela se passe au quotidien ? Quel est votre rythme ?
Nous travaillons le matin. Je laisse les filles choisir leurs sujets de travail et je les accompagne.
Parfois cela dépasse la matinée, car elles sont lancées et nous poursuivons l’après-midi. Autrement nous sortons: au parc, voir des expositions, participer à des ateliers, rencontrer des amis.
Mais tout cela reste très malléable, c’est tout l’intérêt de l’école à la maison; ne pas avoir d’horaires fixes, de temps imparti pour travailler sur un sujet. Tous les jours sont bons pour travailler, tous les moments de la journée sont bons également. C’est fonction de chacun.
Puis il y a aussi beaucoup de moments où les filles jouent simplement, discutent, lisent de livres, dessinent, cuisinent… tout cela fait aussi partie des apprentissages.
Y-a-t-il une sorte de suivi pédagogique lié à l’éducation national ?
Non, dans les textes, l’éducation nationale n’a pas à intervenir dans les choix pédagogiques de la famille.
L’éducation nationale vérifie qu’une instruction est bien donnée à l’enfant, et qu’il sera à même d’atteindre les compétences prévues par le socle commun à 16 ans.
Dans la vraie vie, d’après les différents témoignages que j’ai pu entendre ou lire, tout dépend de l’inspecteur qui nous rend visite. Il peut décider de tester les connaissances de l’enfant (nous pouvons nous y opposer, car cela n’est pas prévu par la loi) et il peut ne pas être satisfait du rythme d’apprentissage de notre enfant.
Pour ma part, je pense qu’il faut voir l’inspection plus comme une aide que comme un contrôle. Il sera plus facile, dans cet état d’esprit d’entretenir de bonnes relations avec notre inspecteur. C’est un passage obligé, autant y trouver du positif !
Comment gérez vous les 2 niveaux liés à la différence d’âge des filles ?
Les filles choisissent les sujets sur lesquelles elles souhaitent travailler. Si elles n’ont pas d’idées, je vais en proposer.
Évidement, elles partent souvent sur les mêmes sujets, l’une étant attirée par ce que fait l’autre, mais chacune va développer selon ses capacités.
Liv écrit plus, elle peut lire pour approfondir, elle commence à faire des recherches seule. Elle est capable de sélectionner l’information qu’elle veut consigner dans son cahier.
Émy quant à elle, a besoin d’aide pour écrire et lire. Elle est surtout très impliquée dans cet apprentissage en ce moment. Chaque sujet étudié l’amènera à lire quelques mots et les écrire.
Il n’y a que Liv qui est soumise à l’inspection, je fais donc plus attention à l’avancement de Liv que celui d’Émy.
Par exemple, Liv n’est pas très attirée par les maths, alors j’essaie de la motiver en lui proposant des activités détournées, plus ancrées dans la vie réelle. Nous avons aussi commencé la géométrie, matière qu’elle apprécie beaucoup plus.
Parfois, il suffit d’un petit coup de pouce et l’enfant continue seul, mu par son intérêt personnel.
Évidement, Émy est poussée par sa sœur ! Elle s’adapte à cette situation, et parfois préfère aller jouer pendant que je poursuis avec Liv.
Non, tout un chacun peut choisir d’instruire ses enfants !
Jusqu’à quel âge de l’enfant peut on pratiquer idéalement l’instruction en famille ?
L’enfant peut pratiquer l’instruction en famille tout au long de sa scolarité obligatoire. C’est à dire de 6 à 16 ans. Avant et après, chacun est totalement libre, c’est à dire qu’on a plus besoin de déclaration d’instruction en famille.
Quel est le bilan de votre premier mois d’instruction en famille ? Vos premières impressions ?
1 mois c’est très court, surtout quand on est en phase de mise en place. Je pense que cette phase va durer au moins la première année. On teste des choses, on ajuste, chacun trouve sa place…
Mais le bilan est très positif !
Les choses s’articulent souplement, simplement, naturellement. Je sens les filles heureuses et curieuses. Plus détendues et plus ouvertes l’une à l’autre.
Évidement, il y a des moments, des jours, moins bien que les autres, mais l’image globale qui en ressort est très positive et sereine.
Après ce premier mois, je ne pourrais pas dire que nous sommes arrivés, mais nous allons quelque part… Nous allons là où on est libre d’apprendre, là où on a envie d’apprendre, là où le travail n’est pas un dur labeur, là où le travail nous rempli, nous grandi et s’insère naturellement dans notre vie.
Je pense que les recherches et les tâtonnements continueront encore longtemps, aussi longtemps que nous aurons l’esprit ouvert et curieux. Mais certainement qu’à un moment, les choses se posent et se calment, et que notre rythme naturel se met en place, de lui-même.
Et quel est le bilan fait par vos filles ? Les sentez vous plus épanouies? avec une envie d’apprendre qui s’accroit? et les copines ne leur manque pas trop ?
Les filles sont ravies, je les sens très épanouies. Deux amies m’ont dit qu’elles les trouvaient plus détendues, plus sereines que l’année dernière.
Liv me dit parfois qu’elle est contente de ne plus être dirigée. Et je le sens lorsque je vois ses yeux pétiller quand elle propose un sujet qu’elle voudrait étudier ! Elle commence à comprendre là où je souhaite l’emmener. Car si je ne dirige pas, j’ai une vision à long terme de là où j’aimerais aller avec elle. Il faut être à la fois dans l’instant avec l’enfant qui découvre et suit sa curiosité, tout en ayant un plan pour lui.
Je vois que Liv intègre cela petit à petit, et se détend. Elle se met à choisir de plus en plus ce qu’elle veut étudier, elle réalise qu’elle est libre, qu’elle peut rester aussi longtemps qu’elle veut sur un sujet. Je la sens heureuse.
Et oui, leur envie d’apprendre s’accroît !!
Je l’ai bien vu avec Émy qui avait mis de côté son envie d’apprendre à lire pendant son année en moyenne section. Elle est revenue aussi vite qu’elle était partie, et elle a repris là où elle en était avant, avançant maintenant selon son besoin.
Quant aux copines, c’est encore à construire. Puisque nous ne faisons que commencer, elles n’ont pas encore pu voir souvent les enfants du groupe non scolarisé. Mais ça va se faire.
Je vais essayer également de garder le contact avec leur anciennes copines, qui ont malheureusement des semaines bien chargées et des mercredi bien remplis.
Ce que je trouve en revanche très positif est que depuis nos débuts en instruction en famille, nous avons rencontré beaucoup de monde, plus qu’avant. Nous sortons beaucoup en dehors des horaires où l’on trouve habituellement des enfants dans les rues. Cela étonne les adultes et la discussion est engagée : les jardiniers au parc de la Tête d’or, notre boulangère, le conducteur du funiculaire qui a invité les filles dans sa cabine ! Elles ont ouvert et fermé les portes, klaxonné et démarré, tout cela avec un sourire immense scotché sur les lèvres !
C’est souvent comme cela que ça se passe car nous avons le temps, nous sommes ouvertes, disponibles et curieuses. Nous faisons des rencontres agréables et enrichissantes.
Et enfin, quels conseils donneriez vous à tous les parents qui ont envie de mettre en place l’instruction en famille mais qui sont encore en phase de réflexion ?
Des conseils… ça serait un peu prétentieux de ma part de penser que je peux donner des conseils avec si peu de recul sur notre propre expérience. Je ne peux que parler de ce qui a marché pour moi, et évidement, ce qui marche pour une famille, ne sera pas forcément ce qui marchera pour une autre.
Je dirais que lorsque que l’idée de l’instruction en famille s’impose, on ne peut plus aller dans l’autre sens, au risque d’agir contre nos idéaux. Et là ça peut être dangereux pour notre intégrité et le bonheur de notre famille.
Et puis il faut se dire que ce n’est pas parce qu’on décide d’essayer que l’on sera obligé de poursuivre. Cela peut être une expérience d’une année, ou deux puis un retour à une éducation plus classique.
Le parcours de chacun devra être pensé et construit en fonction des besoins de l’enfant. Un adolescent peut choisir de retourner au collège, puis finalement n’y rester qu’un an et revenir à la maison…
Je pense qu’il faut être souple. Souple avec ses enfants et avec ses propres idées sur comment ça doit se passer. Être ouvert c’est essentiel. La rigidité risque de figer les choses et de ne pas permettre d’évoluer vers le schéma qui fonctionne pour nous.
Je pense aussi qu’il ne faut pas avoir peur. Si ça ne marche pas, on change de cap !
Et la clé est d’avoir confiance en nos enfants pour nous montrer le chemin. N’oublions pas qu’ils portent en eux leur propre plan de développement. Nous ne pouvons pas aller contre, alors au contraire, laissons-le se révéler et aller au maximum de son potentiel.
Eve Herrmann est l’auteur des livres sur la pédagogie Montessori suivant (nous vous les recommandons chaudement):
– « 100 activités d’éveil Montessori (pour les petits de 1 à 3 ans) »
– « Mes chiffres montessori »
– « Mes activités d’éveil Montessori – Un cahier pour enrichir le vocabulaire, découvrir la nature et le monde (3-6 ans) »
– « 100 activités Montessori pour découvrir le monde (3-6 ans) »
– « Mon imagier Montessori – Coffret avec 150 cartes »
Elle sublime également le livre « 60 activités Montessori pour mon bébé » avec des illustrations toujours justes et appropriées.
Et vous, quel regard portez vous sur l’instruction en famille ?
Si vous souhaitez en savoir plus c’est le thème du mois de Juillet 2021 dans Famille Epanouie Plus.
Merci Amélie pour cet espace d'expression sur ton site !
Bravo pour ce bel article! JE ne manquerai pas de le partager sur mon blog! Bonne continuation!
Bonjour est il possible de mener à bien ce type de projet tout en ayant un travail et en étant maman célibataire
Quitte à faire venir des intervenants ?
(Sauf le mercredi ou je travaille chez moi)
Merci